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Souvenirs de mes travaux depuis 2014

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L'allégorie de la caverne 2.0

2015

Performance, installation vidéo

Cette installation-performance revisite l’allégorie de la caverne de Platon en jouant sur la perception et l’interaction entre le réel et le représenté. Le projet exploite deux niveaux de réalité : d’une part, la projection d’une vidéo sur l’écran, où les spectateurs assistent à des gestes d’affection exagérés, amplifiés par le son des battements de cœur et les effets d’écho ; d’autre part, la présence physique des deux performeurs derrière les spectateurs, réalisant la même scène de manière discrète. Cette dualité interroge la nature de la perception : les spectateurs sont invités à se confronter à une illusion (la vidéo) tout en ignorant ou découvrant une réalité plus subtile qui se déroule derrière eux.

 

La mise en scène dans le noir renforce cette idée de confinement dans une caverne symbolique, où les spectateurs, comme les prisonniers de Platon, ne perçoivent qu’une version déformée du réel. Ceux qui se retournent et découvrent les performers en chair et en os brisent cette illusion, tandis que ceux qui restent captifs de l’écran restent dans l’ombre de la représentation. La performance questionne ainsi notre relation à l’image, à l’espace, et à la vérité : sommes-nous plus enclins à accepter ce qui nous est donné à voir, ou à rechercher une réalité cachée derrière les apparences ? En jouant sur ces différentes strates de perception, l’œuvre invite à réfléchir sur la manière dont nous appréhendons le monde et notre capacité à sortir de notre propre caverne.

 

Miroir des voix

2017

Cylindres en plâtre, fragments de miroir,  installation vidéo

« Puis, dès que notre organe a perçu le miroir,
Notre image aussitôt s’y fixe et s’y fait voir,
Ramenée à nos yeux par une onde nouvelle
Qui la précède encore et nous touche avant elle,
Et l’éloigné d’autant. De là l’illusion
Qui naît des deux courants, de leur double action.
Comment s’en étonner lorsqu’on en sait la cause !
Le miroir, en peignant nos membres, les transpose,
Et de notre flanc gauche il fait notre flanc droit.
L’envers de l’effigie en reproduit l’endroit.
Elle ne revient pas telle qu’elle est lancée ;
En touchant le miroir elle s’est renversée.
Tel, sur une colonne ou contre un mur jeté,
Un masque dans l’argile encore molle sculpté,
Si les traits repoussés par la matière dure
Pouvaient se retourner sans gâter la figure,
Changerait, à l’envers faisant saillir l’endroit,
Son œil droit en œil gauche et son œil gauche en droit.
L’image, de miroir en miroir reflétée,
Jusqu’à cinq et six fois se montre répétée ;
Et, du fond de la chambre évoqués tour à tour,
Les corps cachés dans l’ombre apparaissent au jour;
La distance et le biais, rien ne les peut soustraire
A ces reflets croisés dont le feu les éclaire.
Le miroir au miroir incessamment répond ;
Ce que le premier peint à gauche, le second
Le rétablit soudain à droite, et le troisième
A gauche. L’ordre alterne et l’image est la même.
[…]
C’est nous seuls qui loin d’eux volons à pleines voiles.
Aux voûtes de l’éther nous rivons les étoiles.
Elles voguent pourtant, et d’un cours éternel,
Puisque chaque orbe d’or, faisant le tour du ciel,
Retrouve les jalons de sa route infinie.
Quelquefois cependant, mais la raison le nie,
La lune et le soleil semblent sans mouvement.
Vois du large émerger ces monts : l’éloignement
Les groupe, en fait une île, apparente barrière;
Mais la mer ouvre entre eux une vaste carrière
Où des flottes de front manœuvrent librement.
Quand l’enfant qui tournait s’arrête brusquement,
Longtemps autour de lui l’atrium tourbillonne,
Et, voyant se presser colonne sur colonne,
Il croit, ou peu s’en faut, que le toit sans appui
Vacille menaçant et va crouler sur lui.
Quand la Nature lève au-dessus des montagnes
Son grand flambeau tremblant qui rougit les campagnes.
L’astre sur les sommets paraît se reposer ;
Il les touche, il les baigne, il va les embraser. »

 

Extrait

Lucrèce, de la nature des choses, livre IV, les sens et l’amour, v.291-420, traduction André Lefèvre, Société d’éditions littéraires, Paris, 1899